1 368 pièces d'argent et d'or de l'Empire romain découvertes en Angleterre

En bref

• Un trésor de 1 368 pièces romaines découvert dans le Worcestershire.

• Principalement des deniers en argent, mais aussi un statère en or local.

• Daté de 55 après J.-C., sous le règne de Néron.

• Trésor lié à l’occupation romaine et aux incertitudes économiques locales.

• Évalué à plus de 100 000 livres sterling, en cours d’acquisition par un musée.

• Ce trésor inédit éclaire les pratiques monétaires et les bouleversements de l’époque.

Trésor antique : 1 368 pièces romaines retrouvées dans le sol anglais

Alors que les lignes d’approvisionnement romaines s’étendaient à travers la Bretagne conquise, un pot en céramique, enfoui dans le sol du Worcestershire, a conservé l’un des plus importants dépôts monétaires de l’époque de Néron jamais mis au jour en Grande-Bretagne.

A lire aussi : L’or pourrait bien redevenir une valeur-refuge… surtout après cette découverte historique d’un trésor enfoui depuis l’époque de Néron.

Une découverte archéologique majeure

Ce trésor exceptionnel contient 1 368 pièces, essentiellement des deniers en argent, accompagnés d’un statère en or d’origine locale. L’analyse stratigraphique et numismatique indique que l’ensemble aurait été enterré vers 55 après J.-C., soit une décennie après l’invasion romaine dirigée par Claude en 43.

Les chercheurs de l’University College London (UCL), sous la direction de Murray Andrews, ont authentifié la trouvaille comme étant le plus vaste regroupement monétaire du règne de Néron découvert sur le territoire britannique.

Témoignage monétaire d’une transition impériale

Les monnaies couvrent une large période, depuis la fin de la République romaine jusqu’aux premières années de l’Empire. Ce mélange souligne la coexistence de monnaies anciennes et récentes, traduisant une circulation longue dans une région en cours de romanisation. Le statère en or, émis par les Dobunni, peuple celte établi dans cette zone, illustre les échanges entre systèmes monétaires locaux et impériaux.

Ce type de composition permet d’évaluer la rapidité de diffusion des émissions nouvelles dans les provinces fraîchement conquises.

Un dépôt lié à l’instabilité post-invasion

L’inhumation d’un tel capital ne relève pas du hasard. L’Empire romain a souvent connu une augmentation de la thésaurisation en période de crise. Dans le contexte de la Bretagne du Ier siècle, les tensions entre conquérants et autochtones étaient fréquentes. L’extension rapide du réseau militaire, la construction des routes, la présence de garnisons et les révoltes locales incitaient les individus à dissimuler leurs liquidités.

Le trésor pourrait provenir des transactions commerciales avec l’armée, ou de revenus liés à la fourniture de vivres. Il est également possible qu’il ait été enterré en vue d’un transport sécurisé ultérieur… qui n’a jamais eu lieu.

Une origine locale confirmée

Le récipient contenant les pièces a été identifié comme une production typique de la vallée de la Severn, dont les fours, situés notamment autour des collines de Malvern, approvisionnaient la région à l’époque romaine. Cette proximité suggère un ancrage régional fort de la découverte, et non un dépôt déplacé depuis une zone éloignée de l’Empire.

L’importance logistique de la région, à la croisée de plusieurs routes romaines, renforce cette hypothèse. L'argent, ressource essentielle dans le système militaire romain, permettait de soutenir l’effort d’expansion, via le financement des troupes, des infrastructures et des échanges avec les populations locales.

Statut légal et valeur estimée

Conformément au Treasure Act britannique, les découvreurs ont signalé la trouvaille dans les 14 jours. Le trésor a été officiellement reconnu en juin 2024 et fait actuellement l’objet d’une évaluation par le Treasure Valuation Committee (TVC). Cette procédure vise à déterminer sa valeur en vue d’une éventuelle acquisition par un musée.

Les autorités locales estiment le dépôt à plus de 100 000 livres sterling (soit environ 115 000 €). Une campagne de financement a été lancée afin que la collection reste accessible au public dans le Worcestershire. À défaut, les pièces pourraient être rendues aux découvreurs et aux propriétaires du terrain, limitant leur accessibilité.

Selon notre expert : Face aux incertitudes géopolitiques actuelles, les investisseurs scrutent chaque signal : et si ce trésor antique en disait long sur notre époque ?

Un trésor aux multiples enseignements

Les traces d’usure, les contremarques et la répartition des émissions donnent accès à une cartographie fine de la circulation monétaire. Ce type de données est rarement documenté par les sources textuelles, et le matériel monétaire constitue ainsi un outil d’analyse privilégié pour comprendre les dynamiques économiques de la province.

Le Worcestershire, alors en bordure de l’expansion romaine, se trouvait au cœur d’une mutation économique, militaire et sociale. Le geste d’enterrer ces pièces révèle à la fois la volatilité de l’époque et la volonté de sécuriser des ressources.

Une rareté qui en fait un cas d’école

Contrairement à la majorité des trésors britanniques, souvent datés du IVe siècle, celui-ci est exceptionnellement précoce. Il constitue un cas rare de thésaurisation dès les premières années de l’occupation, à un moment où les structures impériales étaient encore en construction.

La combinaison d’une pièce locale en or et de monnaies romaines met en lumière la transition économique dans une région en pleine intégration à l’Empire. Cet ensemble, bien plus qu’une accumulation de métal, constitue une base de données tangible sur les pratiques financières et les flux économiques de la Rome antique.

Vers une exploitation scientifique approfondie

Les chercheurs vont désormais cataloguer, nettoyer et analyser chaque pièce, avec pour objectif la mise à disposition de données ouvertes. Le travail de documentation s’appuiera sur les inscriptions, les alliages, les origines des frappes, et contribuera à des projets paneuropéens sur la circulation monétaire à l’époque romaine.

L’étude de ce trésor permettra de comparer les schémas de thésaurisation à travers l’Empire, et d’évaluer la résilience économique des communautés provinciales face aux bouleversements liés à la conquête.