Un marché sous haute surveillance

Face à l'attention croissante des autorités, le marché de l'or au Pakistan, perçu comme un secteur non réglementé et non taxé, traverse actuellement une période de bouleversements majeurs. Les commerçants sont confrontés à une double problématique : une réticence à émettre des taux d'intérêt et une activité ralentie par une pénurie d'acheteurs et de liquidités pour leurs opérations quotidiennes.

Des mesures drastiques contre la fraude

Récemment, ce marché a été mis sous le feu des projecteurs suite à une série de mesures visant à lutter contre la contrebande et l'évasion fiscale. Cette initiative a été déclenchée par une chute drastique de la roupie sur le marché libre, incitant les commerçants d'or à vendre ce métal précieux à des niveaux proches de records historiques fin août.

Dans ce contexte, le gouvernement intérimaire a mis en place une force spéciale, composée d'agences de renseignement et de forces de l'ordre, pour s'attaquer de front à la "mafia de l'or" et à la contrebande de métaux précieux. Parallèlement, diverses mesures administratives sur le marché des devises ont favorisé une appréciation notable de la roupie, propulsant cette dernière au rang de monnaie la plus performante au monde en septembre 2023.

Des commerçants en détresse

Face à cette situation, les commerçants et propriétaires d'entreprises spécialisées dans l'or expriment leur mécontentement face à cette inactivité croissante. Muhammad Khurram, propriétaire d'une bijouterie sur la très animée Tariq Road à Karachi, témoigne :

"Trois personnes sur quatre qui visitent ma boutique viennent pour vendre. Je ne peux même pas acheter pour une valeur de 50 000 Rs car je n'ai pas de liquidités. Le marché est tout aussi sec."

D'autres bijoutiers ont partagé des sentiments similaires, soulignant que la majorité des clients ne cherchent pas à acheter.

"Le marché est pratiquement à l'arrêt. Les gens, ayant vu le prix de l'or atteindre environ 240 000 Rs par tola, ne veulent pas vendre en dessous de 200 000 Rs. Les acheteurs, quant à eux, retardent leurs achats"

, confie un commerçant souhaitant garder l'anonymat, anticipant une baisse future du prix de l'or.

Abdul Karim, un autre commerçant, évoque une baisse des affaires depuis plusieurs mois. Selon lui, l'hyperinflation a réduit le pouvoir d'achat des consommateurs, tandis que l'augmentation des coûts a poussé beaucoup à vendre leurs réserves d'or.

Un marché en mutation

Haroon Chand, président de l'All Pakistan Sarafa Gems and Jewelery Association (APSGJA), décrit un marché de l'or en souffrance face à une baisse des ventes.

"Les gens vendent des objets de moindre valeur car ils ont déjà cédé les plus gros. Ils nous disent qu'ils vendent pour payer des frais scolaires ou des factures médicales"

, déplaçant ainsi le débat loin de la répression sur les commerçants.

Depuis le 13 septembre, les prix de l'or sur le marché n'ont pas été mis à jour, le gouvernement cherchant à réguler et simplifier ce secteur. Malgré cela, Chand salue les efforts du gouvernement, notamment à Peshawar et Quetta.

Un autre commerçant, souhaitant rester anonyme, indique que les prix de l'or sont actuellement fixés individuellement et ne suivent pas le cours officiel.

"Même si vous obtenez les tarifs, vous n'obtiendrez peut-être pas la barre d'or. Ces tarifs servent uniquement à évaluer d'autres articles liés à l'or"

, ajoute-t-il.