La cité perdue du désert où les Égyptiens extrayaient l’or il y a 3 000 ans

En bref

• Les vestiges d’un vaste site minier antique viennent d’être mis au jour à Jabal Sukari.

• La cité exploitait déjà l’or dès la Troisième Période intermédiaire.

• Techniques de concassage, fusion, purification : les Égyptiens maîtrisaient déjà une chaîne aurifère complète.

• Objets rituels, pièces, temples et inscriptions éclairent la vie sociale et religieuse des mineurs de l’époque.

• Une reconstitution de 2,5 hectares est en cours pour valoriser ce patrimoine unique.

Une ancienne cité de l’or réapparaît près de la mine de Sukari

À quelques kilomètres de la mine d’or de Sukari, principal site d’exploitation aurifère moderne d’Égypte, les archéologues ont exhumé les vestiges d’une cité minière antique, enfouie sous les sables du désert oriental depuis plus de trois millénaires. Cette découverte, confirmée fin février 2025 par les autorités égyptiennes, met en lumière la précocité des savoir-faire en matière d’extraction aurifère dans l’Égypte antique.

A lire aussi : Quand l’or surgit des ruines d’un empire oublié, les marchés modernes n’en ressortent jamais indemnes…

Une exploitation structurée dès la Troisième Période intermédiaire

C’est sur le site de Jabal Sukari, dans le gouvernorat de la mer Rouge, que les fouilles ont permis de mettre au jour les restes d’un complexe minier complet, dont l’ampleur et l’organisation trahissent un niveau technique avancé. Ateliers de concassage, bassins de purification, fours en terre cuite, habitats de mineurs : l’ensemble suggère une chaîne de traitement de l’or particulièrement aboutie pour l’époque.

Les techniques identifiées remontent à la Troisième Période intermédiaire (1069 – 664 av. J.-C.). Le quartz aurifère y était concassé, décanté puis fondu au charbon de bois dans des installations rudimentaires mais efficaces. Ce processus permettait d’extraire un or destiné aux ateliers royaux, transformé en bijoux, lingots ou monnaies d’échange.

Un projet de réhabilitation patrimoniale à grande échelle

L’opération s’inscrit dans un programme piloté par le Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, visant à réhabiliter ce qu’ils nomment l’« ancienne ville de l’or ». Pendant deux ans, les archéologues ont documenté les structures, restauré les éléments architecturaux, puis déplacé l’ensemble à trois kilomètres au nord pour préserver les vestiges de l’activité industrielle moderne de Sukari.

Le site reconstitué couvre 2,5 hectares. Il est destiné à devenir un espace de visite et d’interprétation, incluant des supports numériques retraçant les fouilles et les techniques anciennes.

Objets rituels, temples, inscriptions : un témoignage de la vie minière

Parmi les découvertes majeures, les archéologues ont recensé 628 ostraca (fragments de poterie gravés), des pièces de bronze ptolémaïques, ainsi que des statuettes gréco-romaines en terre cuite, représentant des figures humaines ou divines comme Bastet ou Harpocrate. Des tables d’offrandes ptolémaïques, des perles en pierres précieuses et divers accessoires en nacre complètent cette collection unique.

Les fouilles ont également révélé des temples, bains publics et bâtiments administratifs s’étalant de l’époque ptolémaïque à l’époque islamique. L’ensemble offre un aperçu rare de la vie quotidienne, religieuse et économique dans une cité minière active sur plusieurs siècles.

Selon notre expert : Les masques funéraires en or massif de Psousennès Ier cachent-ils un secret encore plus lourd que l’or lui-même ?

Une fenêtre sur l’organisation sociale et économique du désert oriental

Selon le Dr Mohamed Ismaïl Khaled, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités, ces données permettront de mieux comprendre les dynamiques des villes industrielles du désert. Le travail des mineurs était valorisé, parfois sanctuarisé, et les artefacts retrouvés témoignent d’un écosystème complexe, mêlant exploitation aurifère, pratiques rituelles et administration impériale.

Les précédentes découvertes de masques funéraires en or, comme ceux de Psousennès Ier ou de la triade d’Osorkon II, trouvent ici une nouvelle dimension : celle d’un territoire-réservoir, longtemps oublié, à la base même de la richesse des pharaons.