Les BRICS ripostent : leur plan secret face aux sanctions américaines

En bref

• Les BRICS renforcent leurs échanges commerciaux en monnaies locales pour contourner le dollar.

• Les sanctions américaines, notamment les hausses de droits de douane de Trump, cimentent la solidarité du bloc.

• La question de la future monnaie commune BRICS reste floue, mais les initiatives bilatérales se multiplient.

• Une alternative géoéconomique crédible au G7 se structure autour des puissances émergentes, malgré les pressions.

Des tarifs douaniers punitifs qui soudent les BRICS

La récente salve de sanctions américaines, notamment les droits de douane imposés par l’administration Trump, n’a pas freiné les ambitions des pays BRICS sur le marché américain. Au contraire, ces mesures semblent avoir renforcé la coordination entre les membres du bloc.

L’Inde, désormais soumise à des taxes de 50 % sur certains produits, voit ses importations de pétrole russe comme une ligne rouge. Le Brésil subit des sanctions similaires, tandis que la Chine fait face à une politique tarifaire extrême, avec des hausses atteignant 145 % sur ses exportations vers les États-Unis.

Face à cette pression, les dirigeants de ces nations notamment Vladimir Poutine, Lula da Silva et Narendra Modi renforcent leurs liens diplomatiques. La visite de Modi en Chine, la première depuis sept ans, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, symbolise cette dynamique de rapprochement géopolitique.

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Les critiques de Pékin contre Washington

Du côté chinois, le ton est sans équivoque. Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a dénoncé l’utilisation des droits de douane comme une arme politique, estimant qu’elle viole la Charte des Nations unies et les règles de l’OMC. L’ambassadeur de Chine en Inde, Xu Feihong, a lui aussi fustigé la stratégie américaine, affirmant que “laisser une once de pouvoir à un tyran, c’est lui céder un empire”.

Ces propos, loin d’être isolés, s’inscrivent dans une tendance de plus en plus affirmée chez les BRICS : celle de revendiquer une autonomie stratégique, commerciale et monétaire.

Une puissance démographique et économique consolidée

Le poids des BRICS dans l’économie mondiale n’est plus marginal. Le bloc couvre près de 40 millions de km², soit presque deux fois plus que le G7, et rassemble 3,3 milliards d’habitants. Leur PIB représente environ 29 % de l'économie mondiale, et atteint plus de 42 % en parité de pouvoir d’achat. Cette puissance, combinée à des dépenses militaires relativement contenues (567 milliards de dollars contre 1 470 milliards pour l’OTAN), conforte leur position dans la reconfiguration du système mondial.

L’expansion du groupe avec l’arrivée de l’Égypte, l’Iran, l’Indonésie, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis, démontre l’attractivité croissante de cette alternative au modèle occidental. Plus de 40 pays ont exprimé leur intérêt pour rejoindre cette alliance, y compris la Turquie, membre de l’OTAN.

Vers un contournement accéléré du dollar

La dynamique de dédollarisation s’intensifie. Environ 20 % des transactions pétrolières impliquant les BRICS s’effectuent désormais dans des monnaies autres que le dollar. L’Inde et la Chine jouent un rôle central dans cette transition, en achetant massivement du pétrole russe via des systèmes de paiement alternatifs.

La banque centrale indienne a autorisé l’ouverture de comptes spéciaux en roupies (Rupee-Vostro) pour les entreprises russes. L’Arabie saoudite, de son côté, étudie sérieusement l’émission de contrats pétroliers libellés en yuan. Certaines entreprises indiennes paient déjà leur charbon russe directement en yuan, sans passer par des institutions chinoises.

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L’émergence d’un modèle alternatif

La question d’une monnaie commune BRICS reste en suspens, freinée par des divergences internes. Pourtant, les arrangements bilatéraux se multiplient et réduisent la dépendance au dollar américain. La part du billet vert dans les réserves de change mondiales est tombée à son plus bas niveau depuis 20 ans.

Lors du sommet de Kazan, le Premier ministre Modi a affirmé que les monnaies locales doivent jouer un rôle central dans la coopération économique, appelant à une nouvelle architecture monétaire mondiale.

Une stratégie persistante malgré les incertitudes

Malgré les tensions et l’absence de consensus sur une monnaie unique, les BRICS poursuivent leur stratégie d’expansion sur les marchés américains. Cette approche pragmatique, qui mêle confrontation et intégration, reflète leur volonté de redessiner les lignes de force économiques tout en maintenant leur accès aux circuits commerciaux existants.

Les États-Unis, en intensifiant les tensions commerciales, semblent involontairement catalyser l’unité du bloc émergent. Et pendant que les projecteurs restent braqués sur Washington, c’est bien en silence que s’opère le basculement d’un système vers un autre.