Les États-Unis veulent 300 milliards : qui paie vraiment les surtaxes de Trump ?

En bref

• Les nouveaux droits de douane américains atteignent jusqu'à 41 % sur certains produits importés.

• En réalité, ce sont les ménages américains qui absorbent l’essentiel du coût, via la chaîne de valeur.

• Yale estime une perte annuelle de 2 500 $ par foyer et une inflation importée de 1,9 %.

• Malgré cela, 300 milliards $ pourraient être récoltés par Washington d’ici fin 2025.

• Les grands groupes comme Apple et Nike encaissent déjà des pertes massives.

Une annonce triomphale, des effets bien moins glorieux

Donald Trump a salué dans la nuit du 7 août l’entrée en vigueur de nouveaux droits de douane imposés aux importations. Sur son réseau social, l’ex-président a déclaré : « Il est minuit ! Des milliards de dollars affluent vers les États-Unis ». Le ton est jubilatoire, les chiffres impressionnants : entre 15 % et 41 % de surtaxes selon les produits, malgré la signature récente d’accords bilatéraux avec l’Europe ou le Japon.

D’après les données du Budget Lab de l’Université de Yale, le taux moyen pondéré de taxation appliqué aux biens entrant aux États-Unis frôle désormais les 19 %, un niveau inédit depuis… 1933.

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Une stratégie nationaliste qui pénalise le consommateur

Dans le discours de Donald Trump, l’objectif est double : rétablir la balance commerciale en s’attaquant à ceux qui « pillent » l’économie américaine, tout en rapatriant la production sur le sol national pour recréer de l’emploi. Mais l’argument du gagnant-gagnant ne résiste pas à l’analyse.

Contrairement à l’idée selon laquelle les pays exportateurs paieraient l’essentiel de la note, les importateurs américains sont en réalité les premiers touchés. Ce sont eux qui règlent la taxe à l’entrée du territoire, ce que confirme l’économiste Ruben Nizard (Coface), interrogé par La Tribune.

Le poids réel des taxes : la chaîne de valeur mise à contribution

Les effets des taxes s’étendent bien au-delà du port d’arrivée. En amont, les entreprises importatrices doivent choisir : absorber la hausse ou la répercuter sur les prix de vente. En aval, ce sont les ménages qui se retrouvent exposés à des hausses de prix discrètes mais continues.

Les données du Budget Lab pour 2025 prévoient une inflation de 1,9 % uniquement imputable aux nouvelles surtaxes, et une perte de pouvoir d’achat de 2 500 dollars par foyer en moyenne.

Une facture finale payée par les Américains

Une étude de la Harvard Business School publiée en 2021, souvent citée par erreur par les soutiens de Trump, met fin à toute ambiguïté. Intitulée Tariff Pass-Through at the Border and in Stores, elle démontre que la quasi-totalité du surcoût a été absorbée par les États-Unis lors du précédent mandat.

En clair, les droits de douane n’ont pas été absorbés par la Chine, mais bien par les consommateurs et entreprises américaines. L’administration Trump elle-même a longtemps utilisé ces travaux, sans réellement en tirer toutes les conclusions.

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Les entreprises trinquent aussi

Certaines grandes marques préfèrent encaisser les pertes plutôt que d’augmenter leurs prix au risque de perdre des parts de marché. Apple annonce un coût de 1,1 milliard de dollars pour le trimestre en cours. Nike projette déjà une perte de 1 milliard en 2026 liée aux nouvelles taxes.

Ce choix stratégique, dicté par la crainte d’une fuite des consommateurs, fragilise les marges, voire l’investissement. Les premiers effets sur les résultats trimestriels sont déjà visibles.

Des milliards qui profitent à l'État… mais à quel prix ?

Sur le papier, les caisses de l’État américain se remplissent à vive allure. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a confirmé que 100 milliards de dollars avaient été récoltés depuis janvier, et que les projections tablaient sur 300 milliards d’ici la fin de l’année.

Donald Trump a même envisagé de redistribuer une partie de cette somme « sous forme de dividendes au peuple américain », après avoir comblé le déficit public. Une déclaration à la tonalité populiste, mais qui souligne une vérité froide : ce sont bien les Américains, consommateurs ou entreprises, qui financent cette manne.